La presse régionale s’est intéressée à l’affaire des coupes rases dans la forêt alluviale de Bonny-sur-Loire. Notamment le Journal de Gien (et plus tard La République du Centre), avec cet article qui a été reproduit dans les deux supports de presse. Nous reproduisons ici la version du Journal de Gien (identique à celle de la République du Centre), qui a accordé une demi-page à ce sujet, avec un article bien équilibré.

L’expertise naturaliste évoquée par l’article a été menée par Joseph Garrigue, qui a été le conservateur de la Réserve Naturelle Nationale de la forêt de La Massane, inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité. Cette expertise s’appuie sur des observations réalisées en forêt avant la coupe rase, lors de sa venue à Bonny-sur-Loire pour une conférence. Elle réfute l’affirmation du maire de Bonny, selon lequel il ne se serait agit que d’une coupe de peupliers. Il s’agissait en réalité d’un peuplement mixte (chênes, saules, hêtres, etc.). Le Plan de gestion du Conservatoire d’Espaces naturels Centre Val de Loire (CEN), qui est un contrat signé entre la mairie et le CEN, est d’ailleurs assez clair à ce sujet, puisqu’on y constate que la zone où a eu lieu la coupe rase (indiquée approximativement en rouge) était un peuplement mixte (chênaie-ormaie-frênaie, peupliers hybrides et saules), comme l’affirmait Joseph Garrigue :

Par ailleurs, nous contestons également les propos du directeur du Conservatoire d’Espaces Naturels qui prétend que le CEN ne serait pas concerné par cette coupe rase dans la mesure où elle aurait eu lieu sur des parcelles privées. En effet, l’expertise naturaliste réalisée indique que l’ensemble de l’écosystème est impacté, et pas seulement les parcelles privés : voir l’expertise ici). D’autre part le Plan de gestion 2014-2025 signé avec la mairie de Bonny-sur-Loire indique très clairement que même les parties situées sur des parcelles privées correspondent à des forêts « d’intérêt européen » présentant « potentiellement un intérêt supplémentaire pour la faune et la flore« , le CEN indiquant également qu’il « aura la charge de prendre contact avec les propriétaires pour leur proposer des conventions d’usage » (Plan de gestion 2014-2024, p. 76) : 

Nous pouvons affirmer par ailleurs que, en tant que propriétaires depuis 2020 d’une parcelle de forêt située exactement dans cette zone, nous n’avons jamais été contactés par le CEN pour mettre en place une convention d’usage. Nous avions pourtant indiqué au CEN que nous étions propriétaires et le CEN ne pouvait pas l’ignorer puisque nous étions également Conservateurs bénévoles au sein de ce même organisme. 

Nous avons également été interviewé par France Bleue, qui en a tiré un article nettement plus sommaire et ne reprenant quasiment aucune des informations scientifiques et juridiques que nous avions données : https://www.francebleu.fr/infos/environnement/polemique-apres-la-coupe-d-une-parcelle-privee-de-peupliers-a-bonny-sur-loire-une-petition-est-lancee-4733994

Là encore, nous contestons les propos du directeur du CEN qui déclare dans cette interview « Aucun constat sur la présence d’espèces protégées n’a été fait par l’Office français de la biodiversité. Et à ma connaissance, il n’y a pas d’espèce remarquable » : le plan de gestion du CEN (page 32) indique en effet une liste de la flore et de la faune « d’intérêt patrimonial » dont plusieurs « espèces rares quasi-menacées » et observées sur le site (dont Burhinus oedicnemus, l’oendicnème criard, et Sylvia communis, la fauvette grisette) :

De notre côté, nous avons déjà publié une photo de pic noir, prise sur place, et tous les habitués de cette forêt peuvent témoigner avoir entendu ou vu des Loriots d’Europe (Oriolus oriolus), qui est une espèce protégée (arrêté du 17/04/81), inscrite à l’Annexe II de la Convention de Berne.

Enfin, pour celles et ceux qui n’ont pas envie de lire un plan de gestion (document assez long et technique), voici le lien vers la plaquette de présentation du site des îles de Bonny-sur-Loire réalisée par le CEN Centre Val de Loire, où il est clairement indiqué (page 6-7) qu’il y a sur place des « espèces remarquables par leur caractère de rareté » : https://www.cen-centrevaldeloire.org/mediatheque/telechargements/plaquettes-des-sites-proteges/

Cela fait donc beaucoup d’approximations, d’erreurs et de contre vérités propagées sans vérification par la presse, par le maire de Bonny, par l’OFB, et par le CEN : pourquoi ? Voilà ce qu’il faudrait éclaircir.

Notons par ailleurs qu’en plus de la destruction d’habitats d’espèces protégées d’intérêt européen dans cette zone Natura 2000 identifiée comme ZNIEFF 2 (Zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique), et d’une évidente aberration en période de canicule où chaque arbre devrait être préservé autant que possible pour lutter contre le réchauffement climatique, c’est aussi tout un patrimoine paysager qui a disparu. Un sentier de découverte a également été partiellement détruit, alors qu’il permettait d’accéder à la Loire depuis la route de la Loire à vélo, et de découvrir les oiseaux sauvages, comme en témoigne cet autre article publié dans La République du Centre. Quel touriste, quel promeneur, serait assez fou pour apprécier traverser une zone aussi dévastée pour aller observer des oiseaux ou pour se ressourcer en pleine nature ?

Enfin, cette coupe n’agite pas que les réseaux sociaux, puisque dorénavant notre pétition approche des 4000 signataires ! C’est le signe que nos arguments, fondés sur des observations et non sur des idées générales ou des impressions vagues, ont convaincu.

2 Replies to “Bureau 122 et les coupes rases à Bonny-sur-Loire dans la presse”

  1. Bonjour,

    Reconnaissons une certaine constance dans l’obsession à dénigrer le Conservatoire d’espaces naturels Centre-Val de Loire qui, de son côté, s’est bien gardé d’émettre toute critique à votre endroit. Notre action concerne 189 aires protégées à l’échelle régionale, avec des enjeux forts et qui mobilisent notre énergie et nos moyens. Ces aires protégées s’inscrivent dans des territoires où prennent place des activités humaines vis-à-vis desquelles, quand elles sont parfaitement légales, nous n’avons rien à redire si ce n’est regretter que les textes et lois ne permettent pas une meilleure prise en compte de la biodiversité dans ces activités.

    A ce sujet, sur le plan factuel, un minimum de rigueur dans votre revue de presse vous aurait fait citer le Président du Cen Centre-Val de Loire qui a exprimé à France Bleue « regretter que la coupe ait eu lieu au début du mois de juillet. Une période de haute sensibilité pour la faune ».

    Cette exploitation de bois a bouleversé votre environnement, c’est un fait autant qu’elle a eu un impact sur les espèces qui y vivaient. Et c’est un fait également que la légalité de cette coupe n’est à ce jour pas remise en cause par l’administration. Vous estimez que le Cen CVL n’est pas assez militant. Nos modes d’intervention ne vous conviennent pas. Il reste incontestable que la préservation de la biodiversité est l’essence même de l’action des Conservatoires depuis plus de 50 ans. Les chiffres clefs de notre intervention sont à disposition de qui souhaite les trouver : http://www.cen-centrevaldeloire.org .

    F. Breton
    Directeur du Cen CVL

    1. Bonjour,

      Nous sommes heureux que vous exprimez le fait que la coupe n’aurait pas du avoir lieu au début du mois de juillet, et que vous le regrettiez car c’est une période sensible pour la faune. Nous avons en effet été surpris, déçus, non pas que le CEN ne soit pas plus militant, mais que ces coupes soient considérées de votre point de vue comme étant strictement l’affaire des exploitants. D’autres collègues, scientifiques, réagissent en soulignant le désastre qu’elles représentent. Nous avons relayés les arguments scientifiques et juridiques de personnalités comme Pierre-Henri Gouyon, Jacques Tassin et Joseph Garrigue, puisque notre pétition a été co-rédigée par ces scientifiques, et puisque que Joseph Garrigue a réalisé une expertise du site de la coupe (avant sa destruction) où il vous interpelle aussi.

      Nous-mêmes, sommes également des scientifiques formés initialement à l’écologie, l’une étant actuellement professeure au Muséum national d’Histoire naturelle (Joëlle Le Marec), et l’autre professeur à l’université Paris Cité (moi-même, Igor Babou), et nous avons été Conservateurs bénévoles au sein du CEN. Nous ne réagissons pas uniquement parce que nous serions « bouleversés » par le changement de notre environnement. Nous savons que les coupes rases sont aujourd’hui inacceptables, même si elles sont encore légales. Quant aux autres membres ou sympathisants de notre association qui vivent sur place ou dans la région, ils et elles n’ont pas besoin d’être des scientifiques pour connaitre très bien le site, ses espèces végétales et animales et son écosystème, et être extrêmement choqués par ce qui s’y est passé et par la destruction radicale du vivant et du paysage à laquelle ils et elles ont pu assister.

      Notre action en faveur de l’environnement est ancienne, et ne se résume pas à une émotion suite à ces coupes rases, ni à une « obsession » à l’égard du CEN (si tel avait été le cas, pourquoi aurions nous demandé à devenir Conservateurs bénévoles au CEN ?) : vous ne pouvez l’ignorer puisque nous avons organisé des cycles de conférences scientifiques et des ciné-débats grand public notamment sur le thème des forêts, dans lesquels nous avons régulièrement proposé au CEN d’intervenir, sans jamais obtenir de réponse, ce qui nous a beaucoup interrogé.

      Nous estimons toutes et tous que ne pas lutter – et ne pas soutenir une association en lutte contre les coupes rases effectuées à deux pas de votre site – est une faute puisqu’il aurait été possible de faire autrement. D’ailleurs, vos documents techniques défendent eux-mêmes la nécessité de protéger le site.

      Notre action en faveur de l’environnement est soutenue par des institutions, des associations et des collectifs aussi bien au plan local, régional que national. Elle s’inscrit dans la durée et nous resterons vigilants à l’avenir, et en lutte contre la destruction du vivant, des écosystèmes et des paysages. Comme bien des acteurs, élus, et habitants d’autres régions, nous utiliserons les méthodes légales et pacifiques que nous avons mis en œuvre pour protester contre les coupes rases de Bonny-sur-Loire (expertise scientifique, pétitions, plaidoyer, médiatisation et réseaux sociaux) pour faire changer un cadre juridique et des pratiques maintenant obsolètes et inadaptés à la nouvelle donne de l’effondrement de la biodiversité et du changement climatique global.

      Notez enfin que notre pétition a quasiment atteint 4000 signataires, signe que les choses changent dans la perception du public : les lois peuvent être changées.

      Nous restons cependant à votre écoute et disponibles pour vous aider à changer de stratégie dans le cas où vous seriez intéressés par le temps et l’énergie que nous dépensons pour la protection de la biodiversité et la transformation des modes de gestion des forêts.

      Igor Babou
      professeur à l’université Paris Cité, membre du Ladyss (UMR CNRS 7533) pour Bureau 122

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