Il y a 12 ans, je suis venue m’installer en bord de Cheuille, dans le hameau des Loups où j’avais de doux souvenirs d’enfance.
De toutes les promenades alentour, l’une de mes préférées était celle qui, après avoir longé la rivière en direction de Bonny, m’amenait à la traverser par la passerelle qui s’appelait alors « Denoyé » (du nom d’une famille de Bonny), puis à m’engager dans le sentier dont un panneau annonçait « ce site naturel est préservé par le Conservatoire d’espaces naturels Centre-Val de Loire » ! Naïvement, je l’ai cru !

La partie du sentier qui menait alors vers la Loire passait d’abord sous les arbres (dont certains, morts, offraient des festins aux pics) une zone très humide souvent noyée jusqu’au printemps. Puis elle n’était plus bordée d’arbres et d’arbustes, dont de très belles aubépines et des prunelliers, que sur sa droite (aujourd’hui dévastée)… Je n’ai guère pensé à le prendre en photo ce sentier tant on croit que certaines choses seront « toujours là » !

Néanmoins, sur cette seule photo qui me reste, on aperçoit – derrière le prunellier en fleur – le sous-bois aujourd’hui réduit à néant. Pas de peuplier grisard ici mais des espèces variées.

La sente était herbeuse, souvent fleurie (lamiers, scabieuses, carottes sauvages, chardons, etc.) et j’y observais tout un peuple d’insectes notamment papillons (carte géographique, robert-le-diable, demi-deuil, paon du jour, vulcain, etc.) et libellules.

On entendait, venant de cette partie maintenant arasée, le chant des pics, loriots d’Europe, grives musiciennes, mésanges, troglodytes et de bien d’autres espèces. Arrivée près de la Loire, il m’arrivait de suivre un moment la berge du fleuve sur la droite… et en 2023, j’ai passé de longs moments à y observer les magnifiques guêpiers d’Europe au plumage bleu, vert, jaune, orangé… qui attendaient leurs proies, perchés sur quelques arbres morts. Sur une parcelle mitoyenne de celles qui ont été coupées ! On les entend toujours voler en piaillant au-dessus des Loups, n’ont-ils pas été perturbés par le bruit des machines plusieurs jours durant ?
Bien souvent les moutons qui broutaient là faisaient sonner leurs clochettes, et j’y ai aussi vu détaler quelques chevreuils !

L’été quand il faisait trop chaud pour se promener sur la petite route qui mène de chez moi à Ousson, j’adorais emprunter ce sentier à l’ombre et la fraîcheur assurée ! Combien de fois y ai-je entraîné amies et amis de passage !

Maintenant, pour aller jusqu’à la Loire il faut traverser tant bien que mal (le sentier n’existant plus sur quelques dizaines de mètres) une zone de désolation où la végétation mettra bien du temps à repousser sur le sol tassé par les machines.

Il paraît que ces parcelles étaient dévolues à la plantation et l’exploitation de peupliers… mais pourquoi ne pas couper ces seuls arbres et épargner autant que faire se peut tous les autres, les arbustes, les lianes, les plantes herbacées, les fleurs sauvages qui constituaient les sous-bois et qui hébergeait tout un peuple de créatures vivantes ? Pourquoi le faire à une période où nichaient encore bien des oiseaux ?

Comment peut-on encore supporter que, partout sur la planète, à diverses échelles, cette garantie pour la survie de tous que représente l’équilibre fragile des milieux naturels soit jour après jour anéantie, au nom d’activités plus ou moins lucratives.

One Reply to “Coupes rases à Bonny : témoignage de Catherine Fumé”

  1. Merci Catherine,
    Très beau témoignage et je reconnais que cette balade entre Cheuille et Loire était très belle et apaisante. Quelle tristesse de détruire ces lieux!

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