Renouée du Japon
La renouée du Japon est une plante invasive qui pose d’importants problèmes. Certains pays, comme la Nouvelle Zélande, en sont même arrivés à l’interdire. Il y en a malheureusement de plus en plus entre Bonny-Sur-Loire et Ousson-Sur-Loire, que ce soit sur le bord de la route de la Loire à vélo, ou, comme je viens de le constater, dans le lit même de la Loire, notamment dans la zone protégée gérée par le Conservatoire d’Espaces Naturels Centre Val de Loire : toute cette zone est classée Natura 2000 (directive Habitats et directive Oiseaux). Cette protection au niveau Européen (Natura 2000) et local (via le CEN) est liée à la faune et à la flore remarquables des bords de Loire, notamment entre les îles de Bonny, le hameau des Loups et Ousson, où de nombreuses espèces d’oiseaux vivent, migrent, se reproduisent et nichent. On y voit par exemple quotidiennement des hérons cendrés, des aigrettes garzettes, des sternes, des chevaliers guignettes, des cygnes, des oies bernache, des grues cendrées, des balbuzards pêcheurs, des canards, etc. Sans parler de la loutre ou du castor, plus difficile à repérer. Un milieu riche, donc, mais fragile.
Nous avons bien entendu contacté le CEN Val de Loire à propos des renoues du Japon, puisque nous en sommes membres. Mais il est compliqué d’agir concrètement contre la renouée, qui est très difficile à éradiquer.
Selon le site interflora.ch (un site de naturalistes, rien à voir avec notre Interflora national…) :
La croissance rapide des renouées, combinée à une multiplication végétative efficace, aboutit à la formation de
grandes populations monospécifiques au feuillage si dense que, faute de lumière, aucune autre plante ne pousse à
leurs pieds. De plus on alloue aux renouées des capacités allélopathiques – c’est–à–dire elles produisent des
métabolites secondaires qui empêchent la croissance d’autres plantes. En lisière de forêt, l’impact sur le
rajeunissement des arbres et des arbustes n’est pas négligeable. Le long des cours d’eau, sur des prairies humides ou
perturbées elles évincent la végétation indigène.
Le problème de la multiplication des renouées est accentué quand les épareuses des services de la voirie viennent couper l’herbe au bord des routes : ces épareuses répandent alors les graines des renouées tout au long de leur trajet, et c’est visiblement ce qui est arrivé entre Bonny et Ousson. Pourtant, on ne répétera jamais assez que cette coupe à blanc des bords de routes est la plupart du temps inutile : à part dans les virages, l’herbe en bord de route n’est pas une gêne pour la vue des automobilistes et elle a plutôt des vertus écologiques. Quand aux vélos ou aux promeneurs, il paraît bien plus agréable de rouler ou de randonner dans un cadre arboré et herbacé que sur une route enlaidie par une coupe façon « club de golf ».
Quoi qu’il en soit, voici quelques photos prises aujourd’hui dans le lit asséché de la Loire, au niveau du site des îles de Bonny, et qui montrent la prolifération de la renouée du Japon. J’ai indiqué les points GPS de ces stations de renouée au CEN, en espérant qu’il y aura une solution. La plus urgente serait de s’abstenir absolument d’acheter et de planter ces plantes ornementales. Une autre solution serait que les services techniques qui utilisent les épareuses s’en abstiennent ou fassent plus attention : une formation de leurs techniciens à l’écologie et au problème des plantes invasives serait la bienvenue. Le CEN souhaite, quant à lui, et sans doute avec d’autres acteurs de l’environnement, frapper à la source : interdire les importations de renouée serait en effet un remède radical. Reste que les renouées implantées en bord de Loire vont continuer à se développer. Jusqu’où ?
La redoutable renouée du Japon, indéracinable
Joëlle, utilise la de toute façon il faut faire avec : ses jeunes pousses sont traditionnellement consommés au Japon, elle est extrêmement mellifère et utilisable en tant que plante fourragère. Elle est extrêmement mellifère, surtout à l’automne lorsque les fleurs se raréfient pour les insectes. Enfin elle stocké les métaux lourds présents dans le sol principalement au niveau de ses mycorhizes, dans les rhizomes.
Charlie Braesch Oui, c’est vrai, mais le problème c’est qu’il y a plein de stations de renouée importantes dans le cours de la Loire, en pleine nature, et que ça risque de supplanter le reste tout en monopolisant l’eau au détriment d’autres espèces. Sans parler du pouvoir toxique de la renouée sur les fourmis. Ca accentue aussi l’érosion sur les berges. Je te recopie un paragraphe du document scientifiques Suisse que je cite dans le billet du blog : « La renouée du Japon figure sur la Liste mondiale des 100 espèces exotiques envahissantes parmi les plus néfastes au
monde (liste établie par l’UICN, Union Internationale de Conservation de la Nature).
Impacts sur la biodiversité :
La croissance rapide des renouées, combinée à une multiplication végétative efficace, aboutit à la formation de grandes populations monospécifiques au feuillage si dense que, faute de lumière, aucune autre plante ne pousse à
leurs pieds. De plus on alloue aux renouées des capacités allélopathiques – c’est-à-dire elles produisent des métabolites secondaires qui empêchent la croissance d’autres plantes. En lisière de forêt, l’impact sur le rajeunissement des arbres et des arbustes n’est pas négligeable. Le long des cours d’eau, sur des prairies humides ou
perturbées elles évincent la végétation indigène. »
Bureau Cent Vingt Deux Certes, néanmoins que faire ?
Le problème de fonds est que ce qui est convenu d’appeler la nature n’est pas dans ce besoin d’instanéité des vicissitudes humaines.
Pourquoi ne pas accepter qu’elle joue un rôle à un moment et qu’elle partira, ou tout du moins se regulera lorsque les conditions de son apparition cesseront. En somme, lorsqu’elle aura consommé les conditions de sa domination. Il en est de même pour maintes plantes bien installées : robiner faux acacia, ailante…
Et puis ce concept de biodiversité qui sort de toutes les bouches serait à repenser : c’est tout de même une création de L’OMC pour rendre comptable la nature !
La vérité, c’est qu’on a du mal à laisser faire et avoir confiance : le contrôle que nous critiquons de nos « elites » n’est que le reflet de la manière dont nous comportons avec notre naturalité, notre part sauvage.
Charlie Braesch Oui, c’est également vrai et je me pose régulièrement cette question à propos des invasives. Déjà à La Réunion, je doutais de cette catégorie : dans une île comme La Réunion, toute plante a été à un moment donné importée de l’extérieur puisque l’île était vierge de toute vie lors de son émergence volcanique dans l’océan Indien. Pour autant, les renouée ne sont pas arrivée sur la Loire naturellement : elles ont été importées par avion, vendue dans des centres commerciaux, plantées dans des jardins, et répandues par des épareuses le long des routes. Elles sont elles aussi des productions de la globalisation et du marketing. La question, c’est toujours : est-ce qu’on intervient pour réguler, ou pas. Dans le cas des renouées de la Loire, à Bonny, on se situe dans le territoire du Conservatoire d’Espaces naturels qui a une mission patrimoniale, donc une mission de gestion et de conservation d’écosystèmes considérés comme fragiles car c’est une zone humide qui héberge de nombreuses espèces d’oiseaux et de plantes, dont certaines protégées.
Bureau Cent Vingt Deux Tout dépend si tu inclus l’humain dans la Nature ou pas, voilà le paradoxe de l’humanité qui s’en affranchit – ou du moins, s’imagine le faire – à travers sa culture. On est au dehors et en dedans. Simultanément.
La renouée du Japon serait arrivée en Europe occidentale au XIX°siècle, d’abord par les Pays Bas, en tant qu’ornementale, puis en tant que fourragère.
Et tu soulèves un autre paradoxe des associations qui veulent protéger la Nature : comment conserver quelque chose qui est l’essence même du mouvement, la manifestation de la vie, qui telle un funambule, se place de déséquilibres en déséquilibres ?
Bonne journée
Charlie Braesch L’humain fait bien entendu partie de la nature. Et justement, il n’existe pas de « nature » qui n’aurait pas été travaillée par les humains : la Terre est un vaste jardin, totalement anthropisé. Même les soi-disant forêts primaires d’Afrique centrale ou d’Amazonie sont des jardins cultivés par des sociétés depuis des siècles (agriculture sur brulis, « shifting cultivation », etc.). Tout ça a été démontré par l’anthropologie et l’archéologie. A mon avis, il faut distinguer deux choses, pour répondre à ta question : la dynamique autonome du « vivant » (sa capacité d’autopoïesis, pour reprendre un terme d’André Gortz, c’est à dire sa capacité d’autoreproduction) et les paysages, ou la biodiversité, ou l’agriculture, ou le patrimoine naturel (toutes ces « choses » sont du vivant en culture). Ici, au hameau des Loups, pour schématiser, on peut dire que le paysage a d’abord été façonné par les habitants (via l’agropastoralisme, les bords de Loire étaient des paysages ouverts jusqu’au début du XXème siècle), puis il a été façonné par l’industrie (les collectes de granulats dans la Loire ont fait évoluer les berges), puis il a été façonné par la déprise agricole (fermeture des paysages par des forets), puis il a été façonné à nouveau par les naturalistes quand le Conservatoire d’Espaces naturels a décidé de laisser certaines parties du territoire en libre évolution (avec des forêts), et d’autres en gestion concertée avec des éleveurs (pour restaurer des prairies et des paysages ouverts). Autrement-dit, que l’on intervienne ou que l’on intervienne pas, à chaque fois, c’est une décision humaine, et c’est politique : gérer activement ou ne pas gérer via la « libre évolution », c’est toujours gérer. C’est ça la difficulté conceptuelle. Je pense que la libre évolution intégrale est une illusion, à moins de liquider la totalité de l’humanité ou d’accepter les délires du transhumanisme (vivre de manière totalement artificielle, sans emprise sur le reste du vivant : une monstruosité conceptuelle, véritable barbarie). Après, il s’agit de régler le placement des « curseurs » entre une gestion utilitariste (faire du fric, planter des arbres pour les couper et en faire des allumettes, faire plaisir aux chasseurs, à l’industrie, etc.) et une non gestion qui reste gestionnaire (la « libre évolution » des milieux). Cette dernière alternative, on le sait, conduit à la création de forêts, dont la multiplication serait un problème pour certaines espèces : qu’on régule via l’agropastoralisme traditionnel, ou par des méthodes mécaniques, si on régule certaines parties, c’est pour permettre à certaines espèces de perdurer à un endroit, sans quoi elles disparaîtraient (à cause des forêts, ou à cause d’autres phénomènes comme les « invasives »). Mais je suis d’accord pour dire que les « invasives » (nouvel avatar des « nuisibles ») sont une catégorie problématique : pris à un instant « t », une invasive annihile ce qui existait avant, mais personne ne peut dire sérieusement ce qu’elle deviendrait 100 ou 1000 ans plus tard : sans doute une plante locale, adaptée à son milieu, et qui aura évolué…
Ici, il y a des infos sur la renouée : http://especes-exotiques-envahissantes.fr/espece/reynoutria-japonica/
Le problème principal semble celui-ci : « Herbacées vivaces géantes pouvant vivre plusieurs décennies, les renouées asiatiques ont des impacts écologiques majeurs sur les rivières, car sur les berges, elles peuvent s’installer et se maintenir à tous les stades des successions végétales.
Du fait de la croissance très rapide des tiges au printemps, jusqu’à 10 cm/jour, créant une canopée horizontale, continue et élevée (3 à 4 m au-dessus du sol), elles ont un impact majeur sur l’incidence lumineuse au niveau du sol empêchant la plupart des autres plantes de se régénérer par semis ou même par rejets de souche. Ces effets provoquent une diminution de la richesse spécifique végétale et animale (Bímova et al. 2003, Maerz et al. 2005, Gerber et al. 2008) et des difficultés de régénération des ripisylves avec toutes les conséquences possibles sur les fonctions écosystémiques de celles-ci.
En fin de saison végétative, les renouées ont la capacité de remobiliser une part très importante des ressources nutritives stockées dans les tiges (Price et al. 2002) et elles produisent par conséquent des litières végétales très pauvres, pouvant avoir des impacts négatifs sur les chaines trophiques aquatiques. »
Mais il semble aussi que la renouée a bon goût : https://cueilleurs-sauvages.ch/tarte-a-la-renouee-du-japon/
le problème, c’est aussi que la renouée concentre les métaux lourds. Or, on a une centrale en amont, qui déverse des tas de métaux et de trucs pas clairs par tonnes dans la Loire.
Bureau Cent Vingt Deux oui, tout à fait, on est entre tout contrôler et tout laisser faire. Et peut être accepter que le pendant naturel est que les espaces se referment et que les populations des espèces des milieux ouverts reviennent à leur juste place… mais bien sûr tout cela est artificiel car les troupeaux d’aurochs ne sont plus là pour ouvrir les milieux à leur manière, et coevoluant avec certaines espèces (notamment les trèfles). Il y a tout de même une possibilité de sanctuariser certains lieux comme Tchernobyl a pu l’être ou ce qu’on entend comme la « zone 5 » en permaculture, la plus éloignée, où l’on fout la paix a ce qui y vit et on n’y met pas ou peu les pieds…
L’association dirigée par Francis Hallé va dans ce sens : trouver un lieu assez vaste pour restaurer une forêt climacique, mais cette action porte sur 400~500 ans… a l’ère de l’instantané je trouve ça beau et fou ! Cette longévité autour d’une conscience qui fédère ne se retrouve guère ici que dans les traditions monacales.
Pour ce qui est des pollutions aux métaux lourds, à ma connaissance la renouée stocke les polluants au niveau de ses rhizomes et ses micorhizes, donc on peut consommer les parties aériennes sans trop se faire de soucis…
L’idée est ici d’élargir le point de vue que l’on peut adopter sur le caractère strictement invasif des certaines plantes… qui peuvent aussi être perçues comme fortes et résistantes, notamment aux changement climatiques, fussent-ils d’origine anthropique ou planétaire.
Charlie Braesch et Bureau Cent Vingt Deux, j’ai été cherché ce matin un bouquin Jacques Tassin, écologiste et biographe de Maurice Genevoix qui a fait un gros boulot sur les invasives https://www.dailymotion.com/video/x6vzdy0